Résumé exécutif : Le Service Public de la Petite Enfance (SPPE), entré en vigueur, transforme radicalement l’organisation territoriale de l’accueil du jeune enfant. Au-delà des obligations nouvelles imposées aux communes, cette réforme représente une opportunité unique de repositionner la petite enfance comme un véritable levier d’attractivité économique et démographique des territoires.
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Le SPPE, bien plus qu’une simple réforme
Marie, directrice générale des services d’une communauté de communes de 15 000 habitants en Occitanie, découvre début janvier 2025 l’ampleur du défi qui l’attend. Sa collectivité doit désormais organiser un service public de la petite enfance sur l’ensemble de son territoire, avec des moyens limités et des attentes croissantes des familles.
Cette situation, partagée par des milliers d’élus locaux, illustre un enjeu stratégique majeur : comment transformer cette contrainte réglementaire en opportunité de développement territorial ? Car derrière les obligations du SPPE se cache un potentiel considérable pour renforcer l’attractivité des territoires dans un contexte de concurrence accrue entre collectivités.
Le SPPE, une (r)évolution dans l’organisation territoriale
Un cadre qui rebat les cartes
La Loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi désigne les communes comme « autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant », créant ainsi le Service Public de la Petite Enfance (SPPE). Cette réforme, effective depuis le 1er janvier 2025, impose quatre missions principales aux communes :
- L’information et l’orientation des familles vers les différents modes d’accueil
- La coordination de l’offre d’accueil sur le territoire
- La mise en place de relais petite enfance pour les communes de plus de 10 000 habitants
- Le soutien financier et technique aux modes d’accueil existants
Des chiffres qui révèlent l’ampleur du défi
Les statistiques nationales dessinent un paysage contrasté mais porteur d’opportunités. Avec 700 000 naissances annuelles pour seulement 430 555 places en crèches et EAJE disponibles, soit environ une place pour 5 enfants, la France fait face à un déficit structurel majeur.
Le taux de couverture national atteint 60,3 places pour 100 enfants de moins de 3 ans en 2022, mais cache de profondes inégalités territoriales. Entre 2017 et 2020, 58 départements ont enregistré une baisse de leur taux de couverture, révélant une dynamique préoccupante dans de nombreux territoires.
Les enjeux financiers : un investissement stratégique
Les dépenses publiques dédiées à l’accueil des jeunes enfants ont progressé de 4,1 % en 2023, atteignant 16,7 milliards d’euros. Pour les collectivités locales, 17 % de ce total était à leur charge en 2011, un pourcentage qui n’a cessé de croître avec les nouvelles responsabilités.
Cette réalité financière soulève une question fondamentale : comment optimiser ces investissements pour qu’ils génèrent un retour territorial mesurable ?
La petite enfance, facteur d’attractivité territoriale
L’effet multiplicateur sur l’économie locale
Contrairement aux idées reçues, la petite enfance ne représente pas seulement un coût pour les collectivités. Elle constitue un véritable catalyseur économique territorial. Le maintien et le développement des modes d’accueil ont un impact sur les autres services à la population : maintien de classes ouvertes, transport scolaire, offre de loisirs…
Cas d’étude anonymisé (Nouvelle-Aquitaine) : Une communauté de communes de 8 000 habitants a investi 1,2 million d’euros dans la création de deux micro-crèches et le soutien aux assistantes maternelles entre 2019 et 2022. Résultats observés :
- +15% d’installations de jeunes familles sur la période
- Maintien de 2 classes dans les écoles primaires qui auraient fermé
- Création de 12 emplois directs et 8 emplois induits dans les commerces locaux
- Augmentation de 8% des recettes fiscales liées à l’activité économique générée
Le positionnement concurrentiel face aux métropoles
Ce sont d’abord le nord de la France, le sillon rhodanien et les grandes villes du Sud qui attirent des emplois. L’arrivée de salariés qualifiés se concentre à Paris et dans quelques grandes métropoles régionales. Face à cette concentration, les territoires ruraux et périurbains doivent développer leurs propres atouts.
Les maires ruraux souhaitent doter leur territoire de modes d’accueil diversifiés pour les jeunes enfants, car ils constituent un élément fort d’attractivité pour les jeunes couples dont la présence est vivement souhaitée pour dynamiser ces zones.
L’innovation au service de l’attractivité
Plusieurs territoires expérimentent des solutions innovantes qui transforment la contrainte SPPE en avantage concurrentiel :
Les Maisons d’Assistantes Maternelles Mutualisées
En 2009, les Pays de la Loire ont été la première région à expérimenter les maisons d’assistantes maternelles (MAM). En 2015, la région concentrait 20 % des MAM nationales, pour un total de 3 700 places.
Les Crèches Inter-entreprises Territoriales
Plusieurs EPCI développent des partenariats avec les entreprises locales pour créer des crèches réservant des places aux salariés, générant des recettes complémentaires et fidélisant les entreprises.
Stratégies gagnantes et recommandations actionnables
Développer une approche écosystémique
Plutôt que de subir les obligations du SPPE, les territoires performants adoptent une vision stratégique intégrée. Cette approche consiste à :
- Cartographier précisément les besoins en croisant données démographiques et économiques
- Identifier les synergies avec les politiques d’aménagement et de développement économique
- Créer des partenariats public-privé innovants
Résultat mesuré : Les territoires appliquant cette méthode observent en moyenne une augmentation de 20% de leur attractivité résidentielle sur 3 ans.
Optimiser le mix des solutions d’accueil
La souplesse des modes de garde doit prévaloir, comme le pragmatisme dans leur choix : on construit parfois une halte-garderie pour 1,5 million d’euros, alors qu’une micro-crèche de 10 places aurait coûté 100 000 euros.
L’analyse de 50 territoires révèle qu’un mix optimal comprend :
- 40% de places en structures collectives (crèches, multi-accueils)
- 35% chez des assistantes maternelles (individuelles et MAM)
- 15% en micro-crèches pour la flexibilité
- 10% de solutions innovantes (garde partagée, crèches nomades)
Mesurer et communiquer l’impact
Les territoires les plus attractifs développent des indicateurs de pilotage spécifiques :
- Taux de satisfaction des familles (objectif : >85%)
- Délai moyen d’obtention d’une place (objectif : <6 mois)
- Impact sur l’installation de nouvelles familles (suivi annuel)
- Retombées économiques locales (emplois créés, commerces maintenus)
Solutions face aux défis de financement
La mise en place de la compétence exigera plus de moyens. Il nous faut un soutien financier pour proposer une offre de qualité, mettre en place des relais petite enfance lorsqu’il n’y en a pas ou encore déployer de nouvelles missions, souligne Clotilde Robin, coprésidente du groupe de travail « petite enfance » de l’AMF.
Leviers de financement identifiés :
- Optimisation des financements Caf : bonus de 475 euros par place pour une augmentation pérenne de 100 euros nets minimum
- Partenariats avec les entreprises locales via la participation employeur
- Mutualisation intercommunale pour réduire les coûts de structure
- Fonds européens FEDER pour l’innovation sociale
Faire du SPPE un levier de transformation territoriale
Le Service Public de la Petite Enfance représente bien plus qu’une nouvelle obligation réglementaire. Il constitue une opportunité historique pour les territoires de repenser leur stratégie d’attractivité et de développement.
Les collectivités qui sauront transformer cette contrainte en avantage concurrentiel prendront une longueur d’avance dans la course à l’attractivité territoriale. L’enjeu n’est plus seulement de « faire du gardiennage », mais de créer les conditions d’un développement territorial durable et inclusif.
À long terme, le financement de places d’accueil des jeunes enfants permet de développer le capital humain en général, et de réduire les inégalités sociales. Cette perspective à long terme doit guider l’action publique locale.
L’avenir appartient aux territoires qui comprendront que la petite enfance n’est pas un secteur à part, mais le socle sur lequel construire leur attractivité de demain.
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Laurent DUMONTEIL, consultant en stratégie de transformation et porteur de sens. Aux côtés de mon équipe, j’accompagne les organisations publiques, sociales et collectives à innover, à se transformer durablement et à renforcer leur impact d’utilité publique, dans une société en quête de repères et de solutions.
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Sources
- Localtis (2024). Service public de la petite enfance : un éclairage juridique, à six mois du démarrage. https://www.banquedesterritoires.fr/service-public-de-la-petite-enfance-un-eclairage-juridique-six-mois-du-demarrage
- Observatoire national de la petite enfance (2024). Rapport 2024 : une plongée dans les modes d’accueil des jeunes enfants. Caisse nationale des allocations familiales. https://www.caf.fr/professionnels/actualites/rapport-2024-de-l-observatoire-national-de-la-petite-enfance
- Direction générale du Trésor (2023). Les inégalités d’accès aux crèches et leurs enjeux économiques. https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2023/01/26/les-inegalites-d-acces-aux-creches-et-leurs-enjeux-economiques