Le syndrome de l’imposteur : quand la réussite rime avec imposture
Avez-vous déjà ressenti ce sentiment étrange après une réussite, cette petite voix qui vous murmure : « Ce n’était pourtant pas à ma hauteur ! » ou « Ils vont finir par découvrir que je ne suis pas à la hauteur » ? Si oui, vous n’êtes pas seul. Ce phénomène, connu sous le nom de « syndrome de l’imposteur », touche environ 70% de la population mondiale à un moment ou un autre de leur vie.
Une sensation de fraude universelle
Le syndrome de l’imposteur se caractérise par une incapacité persistante à croire que ses réussites sont méritées. Malgré les preuves tangibles de compétences – diplômes, promotions, reconnaissance des pairs – la personne touchée reste convaincue qu’elle a simplement eu de la chance ou qu’elle a réussi à tromper son entourage sur ses véritables capacités.
Ce phénomène ne fait pas de discrimination socioprofessionnelle. Des étudiants aux PDG, en passant par les chercheurs et même les lauréats du prix Nobel, personne n’est épargné. Albert Einstein lui-même confessait se sentir comme un « imposteur involontaire » dans le monde académique.
Une question de santé mentale avant tout
Une étude récente publiée dans la prestigieuse revue Nature apporte un éclairage nouveau sur ce syndrome. Selon les chercheurs, dont Sucharit Katyal de l’Université de Copenhague, le syndrome de l’imposteur serait étroitement lié à la santé mentale des individus.
« Les personnes souffrant d’anxiété et de dépression ont tendance à présenter un manque de confiance en soi persistant. Leur jugement biaisé sur leurs propres capacités peut les amener à éviter de nouvelles tâches, même lorsqu’elles peuvent les accomplir« , explique Katyal.
Cette « distorsion métacognitive » – notre capacité à évaluer nos propres compétences de manière objective – serait donc au cœur du problème. Les personnes touchées par le syndrome de l’imposteur ont tendance à minimiser leurs réussites tout en amplifiant leurs échecs, créant ainsi un déséquilibre dans leur perception d’elles-mêmes.
Femmes et personnes racisées : les premières victimes
Si ce syndrome peut toucher tout le monde, certains groupes semblent plus vulnérables. Les femmes et les personnes racisées sont particulièrement concernées, comme l’ont montré les premiers travaux sur le sujet.
En 1978, les psychologues Pauline Rose Clance et Suzanne Ament Imes ont inventé l’expression « syndrome de l’imposteur » après avoir étudié plus de 150 femmes ayant brillamment réussi dans leur domaine. Malgré leurs accomplissements remarquables, ces femmes se considéraient comme des « impostrices » et attribuaient leurs succès à des facteurs externes plutôt qu’à leurs propres compétences.
Cette surreprésentation s’explique en partie par les stéréotypes et les biais de genre et de race qui persistent dans notre société. Lorsqu’on évolue dans un environnement où l’on est constamment remis en question ou sous-estimé, il devient difficile de développer une confiance solide en ses propres capacités.
Un cercle vicieux qui entrave la progression
Le syndrome de l’imposteur peut créer un véritable cercle vicieux. Pour compenser ce sentiment d’imposture, les personnes touchées développent souvent des comportements contre-productifs :
– Le perfectionnisme toxique : ne jamais être satisfait de son travail, toujours chercher la perfection inatteignable.
– Le travail acharné : travailler plus que nécessaire pour prouver sa valeur, au risque de l’épuisement.
– La procrastination : reporter les tâches par peur de l’échec.
– Le sabotage : inconsciemment mettre des obstacles sur son propre chemin.
Ces comportements, loin de résoudre le problème, l’aggravent généralement en augmentant le stress et en diminuant la satisfaction personnelle.
Comment briser le cycle ?
La bonne nouvelle ? Ce syndrome n’est pas une fatalité. Voici quelques stratégies pour le combattre efficacement :
Reconnaître le phénomène : mettre un nom sur ce que l’on ressent est la première étape vers la guérison. Comprendre que le syndrome de l’imposteur est un phénomène répandu peut déjà soulager.
Accepter les compliments : comme le souligne la psychologue Lisa Orbé-Austin, apprendre à recevoir les compliments est essentiel. « Un compliment est relationnel. Nous perdons ce moment relationnel lorsque quelqu’un nous dit que nous avons fait du bon travail, et que nous ne l’acceptons pas.«
Documenter ses réussites : tenir un journal de ses accomplissements, petits et grands, permet de créer une preuve tangible de ses compétences lors des moments de doute.
Parler ouvertement : échanger avec des collègues ou des amis peut révéler que vous n’êtes pas seul à ressentir ces doutes.
Se concentrer sur la valeur apportée : plutôt que de vous focaliser sur vos insécurités, concentrez-vous sur la contribution que vous apportez à votre équipe, votre entreprise ou votre communauté.
Transformer le doute en moteur
Il est intéressant de noter que certains experts voient dans le syndrome de l’imposteur un potentiel catalyseur de réussite, s’il est correctement canalisé. Cette remise en question permanente peut conduire à plus de préparation, d’apprentissage et d’humilité – des qualités précieuses dans un environnement professionnel en constante évolution.
L’enjeu est donc de transformer ce doute paralysant en une force motrice qui nous pousse à nous améliorer continuellement, sans tomber dans les extrêmes du perfectionnisme ou de l’auto-sabotage.
Conclusion : accepter l’imperfection comme partie du voyage
Même les plus grands talents doutent d’eux-mêmes. Agatha Christie, l’autrice la plus traduite au monde, écrivait dans son autobiographie : « Je ne me sens pas véritablement écrivain. J’éprouve toujours au plus profond de moi cette absolue conviction que je joue un rôle, que j’affecte d’être écrivain.«
Si le doute peut être un compagnon de route tout au long de notre parcours professionnel, il ne doit pas devenir le conducteur qui détermine notre destination. Apprendre à coexister avec lui tout en avançant malgré tout est peut-être la plus grande victoire contre le syndrome de l’imposteur.
Et vous, avez-vous déjà ressenti ce syndrome ? Comment l’avez-vous surmonté ? Partagez votre expérience en commentaire, car c’est souvent en brisant le silence que nous réalisons que nos doutes sont bien plus universels que nous ne le pensions.
Laurent DUMONTEIL
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Je suis Laurent DUMONTEIL, consultant et humaniste. J’accompagne avec toute l’équipe les organisations et les équipes à innover, à se transformer et surtout à redonner de l’utilité publique dans une société qui en a bien besoin.
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